Apnée obstructive du sommeil
Introduction
La respiration est un besoin inné, instinctif. Dès la naissance, le bébé cherche à prendre ses premières bouffées d’air et ne cessera qu’à la fin de sa vie. Nous apprenons rapidement à respirer sans réellement y penser, car nous devons consacrer nos énergies et nos pensées aux multiples choses que nous voulons apprendre afin de nous développer. La respiration devient alors secondaire, comme allant de soi.
Avec le sommeil, c’est un peu la même chose. Il est nécessaire au bon fonctionnement de notre organisme depuis notre création. Il vient à faire partie de notre routine de vie et son importance est parfois minimisée. La société dans laquelle nous vivons nous amène probablement à donner plus d’importance et d’attention à nos heures d’éveils (performance, réalisations, etc.).
Malgré le fait que nous oublions la plupart du temps ces deux aspects de notre vie, leur importance respective nous frappe quand une maladie foudroyante se présente. Il est facile à comprendre que la personne en crise d’asthme réalise l’importance de sa respiration. Tout comme celui qui ne dort pas depuis quelques jours en raison d’une douleur aiguë au dos et qui comprend de mieux en mieux l’importance de son sommeil.
Mais qu’arrive-t-il quand la maladie progresse lentement, insidieusement? On ne s’aperçoit pas qu’elle est présente, car on associe souvent à tort ses signes et ses symptômes à d’autres causes qui nous paraissent plus évidentes. Par exemple, les jeunes parents qui viennent d’avoir un bébé ne vont pas nécessairement consulter leur médecin s’ils se sentent fatigués. Ils jugent, à tort ou à raison, que ce doit être en raison des nuits perturbées par bébé et/ou les dures journées à concilier travail-famille. C’est normal, c’est humain!
Tout ceci pour vous faire comprendre que les anomalies respiratoires du sommeil sont assez fréquentes au sein de la population, mais qu’elles sont nettement sous diagnostiquées. Les symptômes qui se développent peuvent souvent se confondre à ceux de d’autres problèmes de santé comme la dépression par exemple. Il faut donc être très vigilant!
La pathologie respiratoire du sommeil la plus fréquente est l’apnée du sommeil; la forme obstructive étant la plus courante. Au Québec, une personne sur 20 est diagnostiquée avec de l’apnée obstructive du sommeil (AOS). Cependant, les experts considèrent que 80-90% des gens qui en souffrent ne seraient pas encore diagnostiqués; donc environ 1 personne sur 10 en serait affectée. Selon ces statistiques, nous estimons qu’environ 350 000 québécois font de l’apnée du sommeil et ne le savent pas encore. Ceci place cette maladie comme étant aussi fréquente que l’asthme, le diabète et l’hypertension. Des personnes de tous âges peuvent en être atteints, peu importe le sexe. Les conséquences sur la santé et la qualité de vie de ces personnes peuvent être énormes. Heureusement, avec un diagnostic précis et un traitement approprié, ce trouble se traite bien.
C’est quoi au juste l’apnée du sommeil?
Normalement, quand nous nous endormons, les muscles de notre corps se détendent: nos bras, nos jambes, mais aussi ceux de nos voies respiratoires (langue, palais mou, pharynx/gorge, nasopharynx). Pour la plupart des gens, ces muscles gardent les voies respiratoires ouvertes et l‘air circule bien. Pour d’autres, l’air se met à passer moins bien et amène les parois à vibrer. On peut alors entendre certains bruits, parfois très forts que l’on appelle… vous l’avez deviné… les ronflements. En général, ces bruits ne dérangent pas la personne elle-même, ni son sommeil. Néanmoins, ils peuvent devenir très perturbants pour les autres qui les entendent (je crois que plusieurs personnes pourraient en témoigner…).
Cependant, pour certaines personnes les parois se détendent trop dans certaines conditions. Le passage de l’air devient trop difficile, voire impossible. Si cette période dure au moins 10 secondes, nous appelons cela un événement respiratoire. Ils en existent divers types, dont le plus connu est l’apnée obstructive (voir les types décrits plus bas). Ceci entraîne une impression d’étouffer et peut parfois faire baisser le taux d’oxygène dans le sang. Quand notre corps juge que ça devient dangereux, il décide de se défendre. Il revient alors dans un sommeil plus léger, ce qui permet aux muscles de reprendre du tonus. Le passage de l’air est maintenant réouvert et la personne respire à nouveau normalement. (Je dis normalement, mais lors de la reprise de la respiration, il y a souvent quelques respirations exagérées, car la personne cherche à reprendre son souffle un peu comme après être restée plusieurs secondes la tête sous l’eau). Le plus perturbant de tout cela, c’est que la personne n’en est même pas consciente!
Vous vous demandez à quoi peut ressembler la respiration d’une personne qui fait de l’apnée obstructive du sommeil sévère?
En voici un exemple… (nous sommes conscients que la qualité de la video n’est pas optimale…)
Merci à ces gens d’avoir publié cette video, car ce genre de visuel n’est pas si facile à trouver. Et si le dicton dit qu’une image vaut mille mot, alors une video en vaut encore plus!
Il y a grosso-modo 3 façons de vivre le moment où le corps se réveille :
- La personne se réveille, ressent que l’air ne passe pas bien (sensation d’étouffement). Il y a parfois un sentiment de panique, des palpitations cardiaques, la sensation de sortir d’un cauchemar.
- La personne se réveille un peu après la reprise respiratoire, donc ne ressent rien de particulier et ne sait pas qu’elle vient de faire une apnée. Elle se retourne et se rendort. Comme cela peut se produire plusieurs fois par nuit, la personne peut se réveiller plus souvent qu’à la normale. Les gens peuvent aussi aller à la toilette, et ce plusieurs fois par nuit.
- La personne revient dans un sommeil plus léger, mais demeure inconsciente. Elle se remet souvent à ronfler tout d’un coup et les autres le remarquent. Elle peut sursauter, gesticuler (agitation). Elle se rendort comme s’il ne s’était rien passé, sans aucun souvenir de cet instant.
Il est important de comprendre qu’environ 98-99% des apnées sont vécues comme la 3e situation (la dernière). On dit alors que l’apnée a provoqué un micro-éveil.
Comme vous dormez lorsque les apnées se produisent, vous ne pouvez pas vraiment les compter vous-mêmes. Pour cette raison, il est impossible d’en avoir pleinement conscience et de faire un diagnostic simplement en répondant à un questionnaire. La seule manière de vraiment savoir si vous faites de l’apnée du sommeil (ou pas) est de faire un test. Bien sûr, il n’est pas recommandé de faire des tests à tout le monde, mais seulement si votre médecin juge qu’il y a des signes et symptômes qui font croire à la possibilité d’apnée du sommeil.
Pourquoi moi?
Les recherches pour mieux comprendre ce qui amène le développement du syndrome d’apnée du sommeil n’ont pas encore toutes les réponses. Cependant, nous savons qu’il n’y a pas qu’un seul facteur responsable. Il y a en premier lieu divers facteurs d’origine génétique et développementale. Par exemple, l’anatomie de votre tête et votre cou (petit menton reculé, palais et pharynx étroit, grosse langue, grosses amygdales) peut vous prédisposer à développer la maladie. Comme ces caractéristiques physiques entre autres peuvent avoir été héritées de vos parents, ça explique que vous ayez plus de risques de faire de l’apnée du sommeil si un membre de votre famille en est atteint. Il existe d’autres éléments favorisant le développement de la maladie dont certains sur lesquels nous pouvons parfois du contrôle. Par exemple, le surplus de poids, le tabagisme et la prise de certains médicaments/substances/alcool.
Faits intéressants :
Une augmentation de 10% de votre poids corporel augmente de 6 fois le risque de développer un syndrome d’apnée obstructive du sommeil!!
Même si le surplus de poids est un facteur important, il y a tout de même 40% des gens avec apnée obstructive du sommeil qui ne sont pas obèses!
Petite précision au sujet du surplus de poids et l’apnée du sommeil. Le lien s’explique facilement. En prenant du poids, votre corps accumule de la graisse à divers endroits (et on ne choisit pas vraiment où, n’est-ce pas?). Ce tissu adipeux peut s’accumuler en partie dans la région du cou et autour des voies respiratoires. Le diamètre de votre cou peut alors augmenter, mais cela entraîne aussi une diminution de l’espace où l’air circule. Ceci facilite le développement du ronflement et potentiellement de l’apnée obstructive du sommeil. En perdant du poids, nous pouvons parfois renverser le problème. Cependant, comme nous ne choisissons pas à quel endroit nous ferons disparaître cette graisse dans notre corps, il arrive que le problème d’apnée du sommeil persiste (quoique qu’il est souvent de moindre intensité). De plus, le surplus de poids n’est pas la cause du problème chez une grande partie des gens, donc perdre du poids n’aurait alors que peu d’impacts.
Mais qu’elles sont les conséquences?
Il faut être clair : tout le monde a fait et fera des apnées un jour dans sa vie. Le mécanisme de réveil qui empêche d’en mourir est présent en nous et nous protège. Notre organisme est capable de s’adapter et de fonctionner malgré quelques perturbations chaque nuit. Cependant, si notre sommeil est trop fréquemment dérangé, il ne se construit pas adéquatement et devient moins efficace. Le corps n’est donc plus en mesure de faire tout ce qu’il doit faire pour assurer notre équilibre mental et notre santé. Notre corps s’adapte malgré tout pendant des mois, voire des années. Il sacrifie certaines choses pour tenter de continuer à fonctionner le mieux possible. C’est quand le corps a atteint ses limites d’adaptation que les symptômes commencent à devenir vraiment plus évidents. Voici quelques exemples:
- La récupération physique se fait plus difficilement : fatigue, récupération plus lente après un exercice, somnolence pendant la journée et/ou au volant.
- La récupération mentale se fait aussi plus difficilement: déficit d’attention, trouble de la mémoire, irritabilité, humeur dépressive ou anxieuse, perte de libido (désir sexuel).
- Certaines hormones peuvent ne pas être sécrétées correctement amenant des problèmes de nycturie (uriner souvent la nuit) ou de la gestion du poids.
- Raideur (nuque/dos), maux de tête au réveil, problèmes des membres (crampes, jambes sans repos, engourdissements), etc.
C’est quand le nombre d’apnées devient trop fréquents et que des symptômes et/ou problèmes de santé se développent que l’on parle du syndrome d’apnée obstructive du sommeil.
Il est maintenant connu que l’apnée du sommeil non traitée peut causer de sérieux problèmes de santé. En plus des effets décrits précédemment qui vont affecter votre qualité de vie, il y a aussi des effets plus sournois et subtils, mais au combien plus dangereux.
Pour vous faire comprendre, je vais vous exposer un petit exemple un peu extrême – ATTENTION! POURRAIT CHOQUER CERTAINES PERSONNES :
Imaginez que vous dormez paisiblement auprès d’une autre personne. Une fois que vous vous êtes bien endormi et que vous avez commencé à ronfler, la personne à côté de vous qui ne dort toujours pas s’impatiente, car elle veut dormir. Afin de vous arrêter de ronfler, elle décide de vous étouffer avec l’oreiller pendant environ 20secondes. C’est juste assez pour que votre corps panique un peu, que votre taux d’oxygène dans le sang baisse et que votre corps décide de remonter dans un sommeil plus léger. À ce moment vous ne ronflez plus et votre partenaire est soulagée. Malheureusement, vous vous rendormez rapidement et la même situation doit se répéter toute la nuit.
Chaque apnée est un état de stress important…votre corps ressent le danger! Sa façon de réagir est la même que si une personne tentait de vous étrangler. C’est votre système nerveux sympathique qui stimule la sécrétion d’hormones de stress (dont l’adrénaline) qui provoque le micro-éveil et l’augmentation du tonus musculaire de votre gorge. De nos jours, nous savons que cela entraîne aussi d’autres effets : augmentation de la fréquence cardiaque et déclenchement de troubles du rythme cardiaque, augmentation de la pression artérielle, transpiration, anxiété. Comme ce phénomène se reproduit plusieurs fois durant une même nuit, et même plusieurs années avant qu’un diagnostic soit posé, il se crée un état de stress physiologique chronique. La baisse du taux d’oxygène dans le sang souvent associée aux apnées accentue ce problème. Les études prospectives (qui suivent l’état de santé de grandes populations) ont permis de mieux comprendre les impacts à long terme chez les patients faisant de l’apnée du sommeil :
Problèmes pouvant se développer | Risque chez les patients apnéiques en comparaison aux non apnéiques |
Hypertension artérielle (haute pression) | 2x plus |
Accident vasculaire cérébral (AVC) | 2x plus |
Maladie cardiovasculaire (MCAS) | 4x plus |
Fibrillation auriculaire | 2x plus chez les moins de 65 ans |
Diabète type 2 | 2x plus |
Dépression majeure | 2x plus |
Accident de la route ou de travail | 2x plus |
Invalidités au travail | 2x plus |
Infos tirées du Guide d’exercice produit par le Collège des médecins du Québec en mars 2014. |
Pour se donner une idée plus concrète, penons le cas de l’hypertension artérielle (HTA).
Les statistiques de 2016 au Canada indiquent que 22,6% de la population âgée de plus de 12 ans avait eu un diagnostic d’hypertension artérielle. Donc environ 23 /100 personnes dans la population générale.
Le risque de développer de l’hypertension artérielle est 2x plus grande chez une personne qui fait de l’apnée obstructive du sommeil.
Donc pour faire simple, chez 100 personnes apnéiques, 46 développeront de l’hypertension!! C’Est énorme!!
En plus, la proportion de gens hypertendus augmentent avec l’âge, donc la proportion devient encore plus grande plus on est âgé!
P.S.: Le calcul est un peu plus compliqué que cela, mais j’ai voulu simplifier pour donner une idée plus concrète de ce que c’est un risque augmenté….
C’est pourquoi il est important de faire le diagnostic le plus tôt possible afin de débuter un traitement si nécessaire, car les conséquences à moyen et long terme sont sérieuses, tant pour l’individu que pour la société.
L’apnée obstructive du sommeil peut aussi fréquemment coexister avec d’autres comorbidités comme la résistance à l’insuline, la déficience en leptine, l’intolérance au glucose, la baisse de testostérone.
Pour être plus clair, prenons un exemple.
Vous venez d’apprendre de votre médecin que vous faites du diabète de type 2. Il y a alors 8-9 chance sur 10 que vous fassiez aussi de l’apnée du sommeil (sans même que vous le sachiez!!) De plus, le risque augmente quand vous avez plusieurs de ces maladies ou pathologies.
Ça signifie que si vous avez une de ces maladies, vous devriez discuter avec votre médecin de la possibilité de faire un test du sommeil. Ceci pourrait peut-être vous sauver la vie!
La bonne nouvelle : il est possible de bien traiter l’apnée du sommeil et d’éviter, dans la mesure du possible, ses complications associées.